Elle a eu lieu le 03 août 1966
Coopérant militaire
Je ne sais pas pourquoi certains étudiants universitaires ont choisi la coopération étrangère mais pour mon cas
il faut savoir qu'à 18 ans âge de l'incorporation militaire il y avait la guerre d’Algérie. il fallait suivre pendant deux ans le dimanche matin de 7 à 13 heures un enseignement et entraînement militaires pas en raison des épreuves écrites de l'examen relativement aisées mais physiques qui se déroulaient au fort de Vincennes durant plusieurs jours épreuves physiques diverses, courses du 100 m et 400 m et d'endurance 1000 m toutes chrono, à ne pas dépasser mais aussi plusieurs sauts d’obstacle franchissement d'un mur de 2m50 ramper sous des barbelés et bien entendu le tir de précision au fusil le lancée de grenade et j'en oublie
J'ai réussi cet examen sans gloire juste pour pouvoir poursuivre mes études universitaires ne m'enchantait guère. que je préférais laisser à d'autres.
Je me suis rendu au Ministère des Affaires Etrangères déposer un dossier en optant pour l'Amérique du Nord et les highschools dans les réserves amérindiennes et je me suis retrouvé au Vietnam. l'avaient docilement fait. mais si les tigres sauvages, j'en ai vu deux au cours de mon séjour vietnamien, étaient encore redoutés des planteurs sur les hauts plateaux
ancien officier militaire au Vietnam en 1945/47, lui aussi m’affirma que la guérilla était en voie d’extinction surtout deux ans d'affilé. D'ailleurs la suite leur a donné pleinement raison il faut savoir qu'avec les événements du têt 68 ne s'intéressant qu'aux Français résidant au Sud Vietnam plus qu'à cette offensive VC inattendue. mais bénéficiant de la gratuité du logement, des repas à la cantine et des déplacements justifiés Ainsi je suis arrivé au Sud Vietnam sans le moindre argent de poche sans souci financier convaincu de cette gratuité militaire.
à la cité Larégnère quand on me proposa une chambre et un repas payants cela m'a étonné j'ai pris la chambre mais pas le repas Néanmoins le soir même en rendant visite à des jeunes enseignants coopérants de la cité ils m'ont mis au parfum que les tarifs locations de logement étaient faibles pour tout coopérant militaire ou non Dieu merci il y avait le marché au noir.
Je dois être le seul coopérant militaire dans ce pays de longs jours durant, sans tiba, sans moyen de transport que ses jambes mais bien logé dans une superbe Villa rose d'une concubine de Bao Dai
simplement en refusant toute punition et colle les ayant amplement récoltées de mon temps de collégien
Mais je suis resté intègre
La villa rose
Après deux jours passés à Saïgon à la cité Larégnière Je me suis retrouvé dans l'avion pour un vol vers Dalat, lieu de mon affectation. J'ignorais tout de cet endroit sinon que cette localité se trouvait sur les hauts-plateaux dont je n'avais pas non plus la moindre idée Les autres coopérants militaires avaient été affectés à Ngatrang , Hué et Danang sans me rendre compte comme pour Dalat de leur localisation.
Au Consulat de France l'attaché d'administration chargé de l'accueil Avait comme principale recommandation demandé que l'on ne couche pas avec les élèves du fait que les relations de la France avec le gouvernement vietnamien n'étaient pas au beau fixe et que de tels incidents déplorables perturbaient et compromettraient gravement l'avenir de la coopération dans ce pays.
Cette mise en garde me surprenait beaucoup En France c'était une époque où jamais on n'avait encore parlé dans les media de liaisons sentimentales ou de relations autres entre profs et élèves totalement inconnues et taboues.
Mes collègues militaires de la cité Larégnière m'avaient indiqué les risques d'avoir recours à la prostitution en raison des maladies vénériennes courantes dans le pays et que les officiers américains préféraient prendre une jeune fille vierge comme "seconde épouse" le temps de leur séjour au Vietnam et que la meilleure des solutions pour les célibataires étrangers était de prendre une tiba également vierge.
A cette occasion je remarquais que les Français étaient violemment anti-américains La présence américaine étant selon eux à l'origine de tous les malheurs et désordres au Sud Vietnam.
Dans l'avion de Dalat un DC 6 De la compagnie Air Vietnam Qui reliait les grandes villes du pays à des prix modérés, financés par les Américains je partais en terre complètement inconnue, car en France j'avais espéré une affectation au Cambodge pays sur lequel je me suis renseigné en achetant un ouvrage de voyage le concernant alors que ma feuille de route pour le Sud Vietnam ne m'a pas laissé le temps de m'instruire à son sujet.
Lors de ce vol la chance a voulu que je me retrouve sur un siège au côté d'un prof M. Berthier déjà en fonction à Dalat avec sa famille. Il m'a appris que j'allais enseigner dans le lycée Yersin Du nom du célèbre docteur ayant découvert le vaccin de la peste.
J'ai vite sympathisé avec ce prof de français, jeune, ouvert qui avait déjà une carrière de coopérant en Afrique et Vietnam partageant comme lui de nombreux intérêts communs comme les sports, la musique classique, la poésie les actualités et la conquête de l'espace.
Il m'a aussi expliqué que Dalat était une localité connue pour des villégiatures de vacances notamment pour le dernier empereur Bao Dai et qu'à seulement 80 km de la ville se situaient les plantations du Lam Dong où je devais entreprendre une étude géographique conseiller par mon prof universitaire M Delvert pour passer mon DES.
J'ai cru à une aubaine mais Berthier m'a immédiatement appris qu'il était fortement déconseillé aux coopérants de quitter les villes lieux de sécurité garantis alors que les campagnes étaient considérées comme des zones d"insecurited aréas" en raison de la guérilla VC et des opérations militaires des soldats du Sud Vietnam et des GI américains
Pas de chance !! J'apprenais coup sur coup que les militaires coopérants ne bénéficiaient pas de la gratuité du logement, de la cantine scolaire, ni des transports et voilà qu'en plus quitter les villes était interdit Tout s'annonçait plutôt mal.
N'ayant rien prévu financièrement je n'avais même pas de compte en banque en France ce n'était pas obligatoire surtout pour les personnes n'exerçant pas un métier, les salaires encore payés en liquide tous les quinze jours sous enveloppe les jeunes ne disposaient seulement que d'un livret de caisse d'épargne sans utilité en cette circonstance. En plus mes parents répugnaient d'avoir recours au crédit et aux emprunts selon eux on économise préalablement pour tous les achats, car mes parents n'appartenaient pas à la génération de la société de consommation d'après guerre mais à celle de la thésaurisation du franc or de la Belle Epoque
Je voyageais aussi avec un sac à dos et un sac de couchage comme pour mes autres expéditions en Amérique dans les tribus amérindiennes ou chez les Kalachs dans l'Hindu Kuch avec un strict nécessaire réduit à quelques vêtements, un carnet de voyage, un stylo, un appareil photos, des pellicules, un petite trousse d'urgences médicales et une petite trousse de couture préparée par ma mère. Un sac à dos léger pour tout déplacement toujours conservé sur mes genoux même lors des vols Je n'avais pas pris conscience qu'une coopération d'une durée de deux n'avait plus rien avoir avec des absences de trois mois de mon domicile familial et même la seconde année ayant bénéficié de vacances d'été de retour au Sud Vietnam je n'ai pas voulu m'encombrer de lourdes valises pour un voyage avion préférant avoir mon sac à dos comme bagage à mains ce qui évite d'avoir à aller chercher ses valises à l'arrivée et de passer ainsi facilement la douane.
Arrivé à Dalat M. Berthier m'a immédiatement conduit au Lycée Yersin pour me présenter à M Dupont l'intendant qui lui m'a conduit dans sa Citroën à la Villa rose écrasant au passage un chien disant que cela ferait un bon repas pour les Tonkinois
L'entrée de mon appartement dans la Villa rose se situait à l'étage, avec un accès par un escalier latéral au-dessus du garage où logeait une famille VN les Poulikaine Je trouvais bizarre qu'un garage soit considéré comme un logement et que le locataire de l'entrée principale soit amené à garer son véhicule dans le jardin devant l'entrée principale de cette villa majestueuse et imposante.
L'appartement qui m'était destiné était meublé avec un vaste salon, une salle à manger, deux chambres avec chacune une salle de bain et toilette mais totalement vide de tout ce qui est nécessaire pour y vivre appareils ménagers, réfrigérateur, vaisselles, ustensiles de cuisine et d'entretien tout ce qui permet d'avoir une vie quotidienne courante.
M. Dupont m'a remis mon emploi du temps des classes afin de pouvoir commencer mon enseignement dès lundi N'ayant que le week-end pour préparer les cours prochains.
Là encore je n'avais prévu aucun manuel ni document à cet effet croyant que le lycée était doté d'une bibliothèque bien fournie. Ce n'était pas encore l'époque des CDI dans les bahuts. Il m'a fallu avoir recours à ma mémoire et à mon acquis universitaire Qui heureusement à cette époque n'était pas de simples UV les programmes couvrant d'énormes sujets et périodes pour les épreuves écrites comme la colonisation française du 16 au 20 siècles ou l'art et la société en Europe au XVIII siècle et pour les oraux l'ensemble des connaissances à avoir de l'histoire du monde entier de l'Antiquité à la Deuxième Guerre Mondiale pour toutes les classes du premier et second cycles
J'ai ainsi passé mon premier week-end en solitaire à préparer mes cours sans regret, car c'était toujours la saison des pluies qui ne m'invitait guère à mettre le nez dehors.
Le problème de l'eau
Arrivée à Dalat sans ressources financières se posait le problème de l'alimentation en eau et en nourriture Je ne voulais pas que ma naïveté estudiantine soit l'objet d'une dérision préjudiciable à ma réputation d'enseignant en plus d'être nouveau et débutant ; aussi je n'ai jamais parlé de ma situation à quiconque et c'est même la première que je l'évoque même si mon image risque d'en souffrir auprès de mes élèves vietnamiens.
Je n'aurais même pas pu avertir mes parents n'ayant pas la monnaie pour me payer un timbre et de toute façon quand on a 25 ans on n'a plus à jouer à l'enfant et solliciter ses parents ou sa famille quand on commet une telle bourde on doit en supporter seul la responsabilité et s'en arranger sans inquiéter les siens à Paris.
Je savais qu'une déshydratation peut en quelques jours vous conduire au cimetière, et que ceux qui entament une grève de la faim en ont pour une cinquantaine de jours avant de passer dans l'au-delà. Ce constat m'accordait pas mal de temps pour résoudre le problème de la nourriture mais peu pour celui de l'eau qui m'est apparu plus urgent.
Chez les Kalashs en très haute altitude montagneuse, leur vallée étroite de l'Hindu Kuch ne permettait pas de souder l'alimentation d'une récolte annuelle à l'autre et la communauté subissait chaque année une inévitable disette à l'approche des nouvelles moissons en septembre Pas question d'entamer les premières récoltes avant la fin des moissons Aussi avec eux j'ai appris à gérer la faim. Il faut boire beaucoup pour non seulement éviter toute déshydratation Mais pour occuper l'estomac qui en digérant l'eau évite de crier famine.
Les Kalashs vivent le long d'un torrent bien alimenté en eau potable par la fonte des glaces provenant d'un immense glacier himalayen une eau toujours ruisselante fraîche et limpide. Mais dans l'avion Berthier m'avait mis en garde de ne pas boire l'eau du robinet à Dalat sans la bouillir préalablement et dans la Villa rose je n'avais rien à cet effet pour suivre ce précieux conseil.
Mais en août, la moisson n'était pas encore achevée et l'eau des cieux ne manquait pas sur une région pas encore trop polluée. Mais comment la recueillir ? Je me mis en chasse dans les alentours pour trouver des récipients Afin de recueillir de l'eau de pluie et avoir au lycée des suppléments d'eau potable Ce ne fut pas parfait, mais néanmoins salutaire.
Pour la nourriture le problème fut beaucoup plus préoccupant. J'ai vite appris que certains profs donnaient des cours privés Hélas en histoire géo la demande n'existait pas, ces matières secondaires étant sans grand intérêt pour la moyenne générale. En français anglais ou math c'était possible Mais on ne pouvait pas me prendre au sérieux dans des disciplines qui n'étaient pas les miennes.
Des heures supplémentaires j'en avais plus de 22 heures au lieu des 18 réglementaires mais payés en France et le Ministère des Finances à du attendre septembre 1968 et mon retour définitif au pays pour me payer les honoraires en suspens suite à l'ouverture tardif d'un compte en banque. Alors résoudre le problème financier de France par une combine de marché noir s'avérait impossible Alors comment faire ?
Un repas mémorable
J'entamais la deuxième semaine toujours à jeune Sans pouvoir éviter les efforts physiques des trajets de 30 minutes à pied entre la Villa rose et le lycée Yersin, un lycée que je trouvais beau dans une architecture qui n'avait rien à voir avec les lycées"prisons" de Paris.
Dans cette deuxième semaine Berthier m'a invité un soir à dîner Je le considérais déjà comme un ami ; néanmoins je n'ai jamais voulu lui parler de mon embarras financier car il était généreux de nature et il m'aurait avancer de l'argent et pour moi une amitié se doit de rester sans affaire pécuniaire.
Berthier tenait à me présenter à un ami prêtre missionnaire Qui s'occupait de lépreux. J'ai même visité cette léproserie. Berthier fervent catholique, sans être pratiquant, était très lié aux communautés religieuses dalatoises admirant le dévouement des missionnaires. Je souscris pleinement à leur œuvre humanitaire Mais peu à leur mission d'évangéliser les populations autochtones.
Je n'oublierais jamais ce repas Non pour la dégustation des mets servis Dont je n'ai plus le moindre souvenir mais en raison d'un dérapage inappropriée dans nos conversations
En effet je ne sais plus comment cela s'est produit mais nous avons longuement débattu Berthier, son épouse Danielle et moi, du rapport sexuel, sans doute en partant des problèmes de prostitution dans le pays Berthier pestant avec humour contre les pratiques des Américains à tous les niveaux, GI ou officier.
Ce fut une conversation des plus scabreuses En débattant sur le problème de savoir si les femmes ressentaient l'impact de l'éjaculation Danielle soutenait que oui Et je refusais de la croire, Jean Marie déclarant qu'il ne pouvait pas être juge en ce domaine n'ayant jamais été sujet à la moindre sodomie et moi d'ajouter que je n'en savais rien non plus ayant toujours pratiqué le coït interrompu.
Bref on rigolait comme des fous quand soudain Jean Marie s'est rendu compte de la présence du prête qui ne disait rien.
-Mon Dieu mon Père nous sommes confus de tenir de tels propos qui ne sont pas de votre ressort - Détrompez vous mon fils le sujet ne m'est en rien inconnu. - Ah bon rétorquais-je comment cela ? Piqué par la curiosité. - Sachez mes enfants qu'avec la confession les femmes qui font l'amour se posent la question de savoir si elles sont des pécheresses, risquant de se retrouver en enfer et non au paradis. Bien sûr l'Eglise n'interdit pas le rapport sexuel d'un couple marié mais à condition qu'il s'effectue comme acte de procréation -Ah je vois! Si une femme fait l'amour pour le plaisir elle va tout droit en enfer -Vous avez tout compris mon fils !
Difficile d'oublier cette circonstance inhabituelle lors d'un tel repas qui m'a donné l'occasion de constater le train de vie des coopérants Le repas était copieux en mets vietnamiens et français Pas de vin, mais de la bière 33 vietnamienne que je découvrais. Berthier se défiait des bouteilles de vins que l'on disait importées de France Il avait raison car depuis l'arrivée des Américains cela était devenu interdit Et les Chinois avaient pris le relais pour ravitailler le marché en vins frelatés à base d'alcool de riz dans des bouteilles admirablement imitées Une contre façon parfaite de forme mais pas pour le contenu qui tournait vite les têtes.
J'ai la fâcheuse habitude de manger vite. Mon père me disait souvent : "Arrête de manger avec un lance pierres" Et ma mère : "Cesse d'avaler. Rien ne presse" Je n'ai de toute mon existence jamais vue une autre personne manger plus vite que moi ; une déplorable habitude devenue une seconde nature.
Ce soir là ce fut je l'avoue un sérieux avantage Mon assiette se retrouvant sans cesse vide les autres toujours bien remplies. amenait la maîtresse de maison à en reprendre et je ne me faisais pas prier, ni pour les entrées, ni pour le dessert. Les mets étaient délicieux et je félicitais Danielle qui déclara n'y être pour rien, cela était du au savoir faire de sa tiba cuisinière J'ai fais venir cette tiba pour lui dire toute ma satisfaction Danielle était très contente de ses trois tibas Les deux autres l'une pour la surveillance de ses deux enfants en bas âge Et l'autre pour les courses et le ménage Jean Marie souligna l'importance de bien choisir les tibas car sans elles la mission d'enseigner seraient difficile.
Je m'en rendais déjà compte. Comment faire les courses quand on enseigne à longueur de journée ? Une tiba était indispensable pour assurer l'intendance comme ma mère pour que je puisse faire mes études.
Ce fut le seul repas des trois premières semaines à Dalat
Ma mère disait souvent que "J'étais né sous une bonne étoile", réussissant à sortir de situations cocasses et inattendues mais à partir de la troisième semaine je commençais à flipper, car enseigner fatigue, débout à parler continûment plus les longs trajets à pied entre la Villa rose et le lycée je n'en menais pas large.
Seulement voilà Zorro est arrivé Sans se presser Sans son beau cheval blanc Ni son large sombrero Ni son épée vengeresse Mais avec sa Citroën 11 CV.
Une salutaire reconnaissance
Un matin je descendais le chemin de terre de la Villa rose conduisant à la large avenue Tran Hung Dao afin de me rendre au lycée.
Il pleuvait dru et pour me protéger je n'avais qu'un béret et un petit et court imper d'été qui depuis longtemps avait perdu son imperméabilité et une fois de plus j'allais me retrouver mouillé comme de la soupe pour donner mes cours.
Quand derrière moi arriva la Citroën de M. Leblanc prof d'anglais, un hindou dont le nom soulignait l'origine de sa race noire. Il occupait le rez-de-chaussée de la Villa rose et son entrée principale Comme moi il se rendait au lycée et croisait mes pas pour la première fois.
Il m'invita à prendre place à ses côtés dans son véhicule Et me proposa d’emblée, si nos horaires étaient semblables, De me convoyer le matin au lycée, ce qui pouvait se faire deux fois par semaine Toujours cela de pris, afin d'éviter la pluie.
La fois suivante il me dit Que deux petits élèves chinois en cinquième maîtrisant difficilement le français et plus encore l'anglais avaient besoin d'urgence de cours d'anglais et de français de rattrapage Mais que lui en avait déjà trop pour se charger de cette mission Il me proposa de m'en charger et selon lui Cela me permettrait d'arrondir mes fins de mois. Pour deux cours d'une heure par semaine Je recevrais 10.000 piastres. Le salaire d'un enseignant sous contrat en langue vietnamienne étant de 24.000 piastres J'ai accepté à une condition d'avoir au départ une avance de 5.000 piastres car je savais que le salaire d'une tiba était de 3000 piastres M. Leblanc s'est chargé de l'affaire et les cours ont commencé dès la semaine suivante Donnés le soir dans une salle de classe du lycée.
J'ai conservé un très mauvais souvenir De mes cours d'anglais au lycée Colbert à Paris ne voyant pas à cette époque la moindre utilité d'apprendre une langue étrangère. J'ai été un élève particulièrement médiocre en cette matière nouvelle mais mes voyages en Amérique en première et terminale m'avaient permis de bien me débrouiller dans le langage parlé aussi j'ai eu l'idée d'appliquer un jeu théâtral de dialogues sur un sujet et un vocabulaire traduit en début de séance avec des explication de grammaire comparatives Les deux élèves chinois timides au départ se sont vite mis à converser en anglais au fur et à mesure qu'ils maîtrisaient la grammaire La seconde année ils n'avaient plus besoin de cours mais ils ont voulu me conserver comme prof d'anglais "adjoint" ce qui fait que je n'ai plus eu de problème financier jusqu'au têt 68 car après les événements mes petits chinois sont restés à Saigon.
Cette commande de cours inespérée Me permettait enfin je pouvais recruter une tiba Pour régler le problème de l'intendance.
Ma vieille et souriante Tiba
Pour avoir une tiba à mon service je me suis adressé à Mme Poulikaine qui a bien voulu se charger de trouver des candidates
Très vite en rentrant le soir du lycée Mme Poulikaine me présentait une ou deux jeunes filles parlant le français.
J'étais déjà très sensibles au charme asiatique Les jeunes filles étaient souvent ravissantes et séduisantes à souhait. Elles n'avaient pas référence professionnelle mais Mme Poulikien m'assurait que ces jeunes filles, parfaitement éduquées par leur mère, savaient tout faire et seraient à mon entière disposition.
L'appartement pouvait loger une tiba dans la seconde chambre. Je prenais soin de faire visiter les lieux à ces jeunes candidates Qui toutes se disaient prêtes à me servir.
J'avoue que la tentation fut grande De me conformer à cet usage encore fort répandu D'employer une jeune personne pour une double mission Par la suite j'ai rencontré dans les plantations un planteur d'origine corse qui vivaient avec huit femmes les ayant toute au départ recrutées comme tiba me disant qu'il ne faisait que suivre une tradition vietnamienne ancestrale qui avait tendance à se perdre d'avoir autant d'épouses que ses moyens sexuels et financiers le permettaient. C'était je l'avoue un cas étonnant les autres planteurs n'ayant le plus souvent qu'une compagne.
J'étais dans l'embarras comment choisir et surtout comment ne pas abuser d'une telle situation ?
Finalement j'ai demandé à Mme Poulikaine de trouver une personne âgée ayant de l'expérience afin d'être sûr de ne pas me compromettre. Dès le lendemain se présenta une vieille dame souriante ne parlant pas un mot de français dont il était difficile de deviner l'âge, mais visiblement bien au-delà de la soixantaine Elle provenait de chez les bonnes sœurs où solitaire elle était à charge. Voilà qui me convenait pleinement rendre service en donnant un emploi à une personne qui n'en espérait plus.
Elle a pris son service le soir même Je lui donnais immédiatement les 3000 piastres sans attendre la fin du mois Et ensuite chaque matin au petit déjeuner elle me réclamait 100 piastres pour les courses.
Je me suis très aperçu qu'elle était extrêmement débrouillarde Car sans me réclamer le moindre surplus elle est parvenue à équiper la cuisine Avec un fourneau à charbon de bois et casseroles Et sans doute bien d'autres choses en ustensiles. De mon côté j'ai acheté pour les repas une assiette, des couverts, un verre, un bol pour le petit déjeuner et deux tasses à thé en cas de visite juste le strict minimum.
Cette tiba m'a même trouvé une moustiquaire sans doute récupérée d'occasion, car elle avait un trou J'ai confié ma trousse de couture à ma tiba en lui montrant le trou pour le boucher avec du fil et là j'ai vu qu'elle était mal voyante ne pouvant pas faire des travaux de précision visuelle Je l'ai fait moi-même, elle me regardant faire. Dès lors je ne lui ai plus jamais rien demandé la laissant pleinement à faire la cuisine, m'occupant moi-même de l'entretien de ma chambre et de la salle de bain.
On se communiquait par gestes j'avais appris avec les Amérindiens bien des gestes de leur langage des signes et la tiba s'est vite familiarisée avec ce mode de communication Je n'ai jamais eu à lui faire la moindre remontrance Elle devenait une sorte de grand-mère que je n'ai jamais eu.
Chaque matin, elle me servait le petit déjeuner Elle achetait une boite de lait condensé Nestlé pour un café au lait et du pain à la française beurré Les repas comportaient des mets vietnamiens, mais aussi français. Avec elle j'ai découvert les fruits tropicaux pour moi totalement inconnus : Mangue, papaye, litchi, avocat et kiwi en plus des fruits familiers comme l'orange ou la banane.
Ce qui m'a le plus frappé c'est son extrême discrétion je ne sentais jamais sa présence, même en me servant à table, elle disparaissait invisible ; je devais souvent l'appeler, ne sachant jamais où elle pouvait bien être Avec elle j'avais l'impression d'être seul, tranquille, Sans domestique à mon service.
Un soir je venais de rentrer du lycée quand elle est venue me faire signe dans ma chambre que j'avais de la visite. Deux de mes élèves de seconde attendaient assises sagement dans le salon, déjà devant une tasse de thé.
Elle venait m'avertir qu'une de mes élèves de cette classe allait devoir quitter le lycée, ses parents acceptant une offre financière très généreuse d'un colonel américain désireux d'avoir une gouvernante pour gérer l'intendance de son séjour au Sud Vietnam ; en fait j'ai vite compris afin d'avoir seconde femme à son service Mes élèves me demandaient d'intervenir. Je trouvais étrange qu'elles viennent à moi alors que bien d'autres profs étaient plus à même d'être sollicités ; mais elles avaient entendu parler de l'incident du manuel d'histoire "La France et ses colonies" datant de 1929 en classe de troisième et elles pensaient que j'étais déterminé à régler les problèmes délicats dans mon entreprise d'enseignant.
Je pensais naïvement qu'il suffisait que cette élève refuse En fait elles m'ont expliqué qu'une quelle offre permettrait à sa famille de pouvoir financer les études supérieures à l'étranger de ses autres frères et sœurs déjà au Lycée et que par solidarité familiale elle ne pouvait guère refuser. J'ai accepté la mission et elles m'ont donné les adresses de la famille et de l'Américain.
Je me suis seulement rendu chez cet officier surpris de voir arriver un prof du lycée français mais cordial et accueillant il m'a offert un appéro dans son living somptueusement équipé. Il était déjà marié et j'ai découvert qu'il était originaire du Vermont où j'avais travaillé comme saisonnier dans une ferme lors des moissons Il fut ravi que je connaisse son Etat d'appartenance. On a comparé les paysages des Appalaches à ceux, pour moi familiers, de la Creuse dans le Massif Central et cela a bigrement facilité ma mission.
Sans réprouvé sa requête, j'ai simplement indiqué qu'il serait sans doute plus opportun de s'adresser à une famille typiquement vietnamienne à faible revenu, qu'à une famille VN francisée du lycée, compromettant l'avenir scolaire de l'élève.
On s'est quitté lui promettant de réfléchir, Moi espérant qu'il change de cap. Comme mon élève n'a pas disparu des cours Je pense que l'affaire s'est réglée autrement.
Tout allait bien : la semaine au lycée, les week-ends sur les plantations, quand en février 67 survint une énorme surprise !!
Un coopérant venu d'Afrique
Dans l'appartement de la Villa rose que j'occupais il y avait deux chambres chacune ayant une salle de bain et toilette La tiba n'a jamais occupée la seconde chambre et je n'ai jamais su où elle dormait dans l'appartement.
En février 67, M. Dupont, sans me prévenir, m'a adjoint un coopérant, prof d'anglais, Qui a débarqué pour partager mon logement en raison de cette seconde chambre individuelle.
Ainsi un soir en revenant du lycée j'ai trouvé déjà installé dans l'appart un compagnon coopérant occupant la seconde chambre. En plus il avait déjà viré ma tiba et trouvé une jeune pour la remplacer. Un individu sans gène provenant d'une longue coopération en Afrique Noire Un super néocolonialiste ne se cachant nullement de ses idées Considérant les Vietnamiens comme des indigènes Sans voir de différence avec les ressortissants africains
Naturellement je n'ai pas apprécié sa venue Je m'en suis plaint auprès de l'intendance Mais pour eux il n'y avait aucune autre solution pour loger cet intrus.
J'ai refusé sa nouvelle tiba qu'il disait bien plus compétente que la vieille. Néanmoins, il n'était pas possible de loger deux tibas. On a finit par trouver un accord : je refusais de participer au traitement de cette jeune tiba mais acceptais de lui donner journellement la même somme que la mienne me réclamait pour les courses et d'avoir des repas identiques à ceux de mon ancienne tiba, redoutant un train de vie autre, dépassant mes modestes revenus car le nouveau coopérant s'est vite engagé dans un train de vie alimentaire plus adapté selon lui à son rang de Français.
Mais très vite la nouvelle tiba nous a servi déjeuner et dîner semblables et je me suis contenté de ne jamais consommer plus qu'avant, surtout au petit déjeuner devenu copieux, auquel s'ajoutait jus de fruit et autres condiments.
Finalement j'ai du m'accommoder de cette présence par ailleurs très instructive sur les mœurs des coopérants d'Afrique dont ils me parlaient très souvent car je voyais bien qu'il regrettait l'Afrique et ne se plaisait guère au Vietnam.
Pour l'anecdote j'ajoute qu'un soir il était de sorti, me doutant bien qu'il devait faire faire des heures supplémentaires à la jeune tiba, j'ai demandé à cette dernière si devoir s'occuper de deux coopérants n'était pas une charge trop lourde et fatigante. -Non Non ! Pas du tout, du fait que vous n'êtes pas exigeant comme votre collègue. - Mais je ne parle pas de votre service de jour, mais celui de nuit - Ca va ! Il fait trois fois boum boum la nuit, deux fois par semaine.
J'ai trouvé ce "boum boum" pudique, astucieux et mémorable.
J'ai repris à mon service ma vieille tiba pour la seconde année de coopération. J'ai appris qu'elle donnait sa paie aux bonnes sœurs ce qui m'a paru logique. Aussi de retour en France j'ai été place Saint Sulpice acheté un magnifique crucifix en bronze sur une croix de bois finement ciselée qui normalement se fixe au dessus du lit pour faire sa prière. Au retour quand je le lui ai offert elle a pleuré d'émotion : un véritable trésor à ses yeux, et toutes les nuits elle a dormi le crucifix dans ses bras.
Hélas les événements du têt 68, Elle de garde, moi sur les plantations à Baméthuot ma villa pillée et détruite, j'ai perdu de vue ma tiba, sans pouvoir recueillir aucune nouvelle d'elle.
Ce sont là mes débuts d'enseignant au lycée Yersin Il me restait qu'un problème à résoudre celui des déplacements N'ayant pas la possibilité d'avoir un véhicule motorisé J'envisageais le recours de prendre une bicyclette ; mais ce fut plus compliqué que prévu Et pour ceux qui n'auraient pas lu l'article Sur le vélo à Dalat, sachez qu'il est toujours disponible sur ce site. Cliquez ici:
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